Cours de biologie en ligne

LA COMMUNICATION NERVEUSE

 

Les neurones peuvent réagir à une modification de leur environnement en générant un influx nerveux, un genre de courant électrique capable de se propager le long de l'axone comme un courant électrique dans un fil. Cet influx nerveux peut ensuite se transmettre de neurone à neurone.

L'activité nerveuse s'explique par la circulation de ces influx nerveux dans de complexes réseaux de neurones interconnectés. Par analogie, le fonctionnement d'un appareil électronique s'explique par la circulation de courants électriques dans de complexes réseaux de composantes électroniques (transistors, résistances, etc.). Mais il ne s'agit là que d'une analogie, le fonctionnement du cerveau est très différent de celui d'un appareil électronique comme un ordinateur, par exemple.

Pour bien comprendre le fonctionnement du système nerveux, il faut absolument comprendre comment les influx nerveux sont produits et transmis de neurones en neurones.

C'est à la fin du XVIIIe siècle que l'Italien Luigi Galvani démontra qu'une forme d'électricité circulait dans les nerfs. Assez vite, on se rendit compte qu'il ne s'agissait pas d'un simple courant électrique comme celui qui circule dans les fils électriques en métal. Il faudra attendre les travaux de deux Anglais, Alan Hodgkin et Andrew Huxley, dans les années 50 (prix Nobel 1963) pour enfin comprendre la nature exacte du phénomène électrique responsable de la communication entre les neurones.

Une des premières expériences réalisées par Hodgkin et Huxley consista à placer les bornes d'un voltmètre de part et d'autre de la membrane d'un neurone isolé. Ils enregistrèrent alors une différence de potentiel de 70 millièmes de Volt (ou 70 mV).

 potent repos

 

L'intérieur de la membrane du neurone est chargé négativement par rapport à l'extérieur chargé positivement. Cette différence de potentiel électrique entre l'intérieur et l'extérieur se mesure en millièmes
de Volt, plus précisément, -70 mV dans le cas des neurones. Notez que, puisque la borne de référence est la borne placée à l'intérieur de la cellule, on note que la différence de potentiel est de -70 mV.

En fait, toutes les cellules sont ainsi polarisées. Le voltage varie entre -20 et -200 mV selon le type de cellules. Cependant, cette polarité prend toute son importance au niveau des neurones. Donc, toutes les cellules ressemblent à de minuscules piles électriques, la borne positive correspondant à la surface externe de la membrane et la borne négative, à la surface interne.


Mais pourquoi les cellules possèdent-elles une charge électrique?

Trois faits expliquent ce phénomène :

  1. La différence de concentration en ions de part et d'autre de la membrane: la composition en ions à l'intérieur du neurone est différente de celle de son milieu extérieur

potent ions

  1. La perméabilité de la membrane à ces ions:
  • La membrane du neurone est perméable aux ions K+ et peu ou pas perméable aux autres ions.
  • Les protéines et les groupements phosphate négatifs sont trop gros pour traverser la membrane.
  • Les ions sodium et chlore peuvent pénétrer dans la cellule en passant par des protéines de la membrane. Cependant ces protéines « canal » sont beaucoup moins nombreuses que les protéines permettant le passage du K+ . La membrane est donc très peu perméable au sodium et au chlore. Puisque la membrane est perméable au K+ et puisque ceux-ci sont plus concentrés à l'intérieur de la cellule qu'à l'extérieur, ils ont donc tendance à diffuser vers l'extérieur (ils suivent leur gradient de concentration). Chaque ion K+ qui traverse la membrane ajoute une charge positive à l'extérieur et en enlève une à l'intérieur. Le milieu interne devient donc négatif (il y a un surplus d'ions négatifs par rapport aux positifs) et le milieu externe positif (surplus d'ions positifs par rapport aux négatifs). De chaque côté, les ions en surplus s'accumulent sur la surface de la membrane cellulaire. La surface interne se couvre donc d'ions négatifs et la surface externe d'ions positifs. Le potassium va rapidement cesser de diffuser vers l'extérieur. En effet, plus il sort de potassium, plus le milieu extérieur devient positif et le milieu intérieur négatif. Or, comme vous le savez, les charges de même signe (+ et + ou - et -) se repoussent alors que les charges de signes contraires (+ et -) s'attirent. Les charges positives qui s'accumulent de plus en plus sur la face externe repoussent les ions K+ qui cherchent à sortir par diffusion (et les charges négatives de la surface interne les retiennent à l'intérieur). Il s'établit alors un équilibre entre la force de diffusion qui cherche à faire sortir de K+ et la force électrique qui l'attire à l'intérieur. Lorsque cet équilibre est établi, globalement, la face interne de la membrane est négative et la face externe est positive.
  1. La présence de « pompes », c'est à dire de transporteurs actifsdont le rôle est de maintenir cette différence de concentration en ions de part et d'autre de la membrane:

Notez que la membrane du neurone n'est pas complètement imperméable au Na+ . Il y a toujours un peu de Na+ qui parvient à pénétrer par diffusion. Cependant, des transporteurs actifs situés dans la membrane travaillent continuellement à rejeter à l'extérieur les ions qui sont parvenus à pénétrer. Sans ces pompes, les concentrations en ions de part et d'autre de la membrane s'équilibreraient et la polarité de la membrane disparaîtrait. Ces pompes qui fonctionnent sans arrêt transportent aussi des ions K+.

La pompe à sodium-potassium, c'est son nom, rejette à l'extérieur du neurone trois ions sodium en même temps qu'elle ramène à l'intérieur deux ions potassium. S'il n'y avait pas ces pompes qui fonctionnent sans arrêt, les ions sodium qui entrent neutraliseraient la charge négative de l'intérieur de la cellule. La polarité de la cellule disparaîtrait.

Potentiel de repos et potentiel d'action

Les neurones sont des cellules excitables, c'est-à-dire qu'ils peuvent réagir à des modifications du milieu extérieur. Tous les neurones réagissent de la même façon à un stimulus: là où le stimulus agit sur le neurone, le potentiel électrique de la membrane s'inverse, c'est-à-dire que l'intérieur négatif devient positif et l'extérieur positif devient négatif, comme si, par un phénomène mystérieux, les deux bornes d'une pile électrique s'inversaient. 

depolar membrane

 

En fait, le stimulus provoque, au niveau de la membrane, l'ouvertures de canaux à Na+ normalement fermés. L'ouverture de ces canaux permet aux ions Na+ de pénétrer dans la cellule y apportant des charges positives.C'est ce phénomène de diffusion du sodium qui est responsable de la dépolarisation du point stimulé.

On constate que la polarité passe, en un peu plus d'un millième de seconde, de la valeur de repos -70 mV à la valeur +40 mV. L'intérieur de la cellule, à l'endroit où la membrane a été stimulée, est devenu positif et l'extérieur négatif. Cette situation ne durera qu'une fraction de seconde. Très rapidement, le point où la polarité s'est inversée reviendra à la normale (polarité à -70 mV).

pot action 2

 

En moins d'un millième de seconde, le point de la membrane qui s'était dépolarisé se repolarise, négatif à l'intérieur et positif à l'extérieur. On appelle potentiel d'action cette dépolarisation-repolarisation d'un point de la membrane à la suite de l'ouverture des canaux à sodium.

L'influx nerveux

Vous connaissez bien le principe de la vague produite par la foule dans un stade (ola). Quelques personnes se lèvent puis se rassoient dans un même mouvement. Leurs voisins font immédiatement la même chose. Puis les voisins des voisins, etc. On voit alors une vague humaine faire le tour du stade.
L'influx nerveux qui voyage dans les fibres nerveuses est un phénomène assez semblable. Lorsque la membrane d'un neurone est stimulée, celle-ci se dépolarise. Puis, en une fraction de seconde, elle se repolarise. Immédiatement, pendant que le point stimulé se repolarise, le point voisin sur la membrane se dépolarise à son tour. Puis il se repolarise pendant que le point voisin se dépolarise, etc. Une vague de dépolarisation qui a pris naissance au point stimulé se propage tout le long de la membrane du neurone. L'influx nerveux, le genre de courant électrique voyageant le long des fibres nerveuses dont nous parlions dans le chapitre précédent, c'est précisément ce phénomène de déplacement du potentiel d'action qui se propage comme une vague le long de la membrane de l'axone.

Les anesthésiques locaux utilisés en petite chirurgie pour « geler » une partie du corps sont constitués de molécules qui ont la propriété d'empêcher la membrane de se dépolariser même si elle est stimulée. Toute la région atteinte par l'anesthésique devient donc insensible. Si la membrane ne peut pas se dépolariser, il ne peut donc pas y avoir d'influx nerveux. Sans conduction nerveuse, la zone atteinte est totalement insensible.

Vitesse de déplacement de l'influx nerveux

Dans un fil électrique, le courant se déplace à une vitesse qui approche celle de la lumière (300 000 km à la seconde, sept fois et demie le tour de la terre en une seconde). L'influx nerveux, par contre, se déplace le long des fibres nerveuses à une vitesse pouvant varier de 3 km à l'heure à près de 400 km à l'heure. La vitesse de l'influx nerveux est très variable selon le type de fibre nerveuses.

Deux facteurs peuvent faire varier cette vitesse :

  1. Le diamètre de la fibre: plus une fibre nerveuse a un gros diamètre, plus la propagation de l'influx sera rapide.
  2. La présence de myéline: l'influx voyage beaucoup plus rapidement dans une fibre myélinisée que dans une fibre nue. Dans une fibre myélinisée, la membrane ne peut former de potentiel d'action qu'au niveau des nœuds de Ranvier. La dépolarisation résultant d'un stimulus ne peut donc se déplacer qu'en « sautant » d'un nœud de Ranvier à l'autre. Ce mode de déplacement par sauts est beaucoup plus rapide que le déplacement de proche en proche observé sur une fibre non myélinisée. Ce type de propagation par « sauts » est appelé « conduction saltatoire». Les fibres nerveuses les plus rapides sont donc de grosses fibres myélinisées (vitesse de l'influx pouvant avoisiner 400 km/h) alors que les plus lentes sont de petites fibres non myélinisées (3 km/h).

conduction salta

 

La plupart des fibres provenant des organes des sens ou des fibres motrices innervant les muscles volontaires sont des fibres rapides (grosses et myélinisées). Par contre, les fibres innervant les organes involontaires comme le tube digestif ou les reins, ainsi que les fibres responsables des douleurs viscérales (les douleurs provenant des organes internes, un mal de ventre par exemple) sont des fibres lentes (minces et non myélinisées).

La loi du « tout ou rien »

La membrane cellulaire du neurone peut réagir à une modification de son environnement en inversant le potentiel de sa membrane. C'est cette inversion de polarité immédiatement suivie du retour à une polarité normale qu'on appelle le potentiel d'action. Mais, pour qu'il se forme un potentiel d'action au point stimulé, la stimulation doit avoir une intensité minimale.

  • Si celle-ci est trop faible, la membrane se dépolarise un peu (de -70 mV, son potentiel normal, jusqu'à -60 mV par exemple) puis reprend son potentiel de repos normal (-70 mV). Il n'y a pas, alors, de véritable potentiel d'action. Cette légère dépolarisation ne se transmet pas de proche en proche, il n'y a donc pas d'influx généré.
  • Si la stimulation est plus forte et que la dépolarisation dépasse un certain seuil (-50 mV, par exemple; c'est variable selon le neurone), la dépolarisation se poursuit alors jusqu'à la formation d'un véritable potentiel d'action (-70 mV à +40 mV,puis retour à -70 mV). Ce potentiel se transmettra ensuite de proche en proche. Il y aura donc influx nerveux et perception du stimulus par le SNC.
  • Mais si la stimulation est très forte, le potentiel d'action formé ne sera pas différent de celui qui se formerait si la stimulation était plus faible. Il y aura toujours dépolarisation (-70 mV à +40 mV) puis repolarisation (+40 à -70 mV). Le potentiel d'action formé par une stimulation est toujours le même, peu importe la force de cette stimulation.


Même si le potentiel d'action a toujours la même valeur, notre système nerveux peut quand même distinguer un stimulus faible d'un plus fort. La perception de l'intensité de la stimulation dépend essentiellement de deux facteurs :

  1. Le nombre de fibres nerveuses stimulées
  2. La fréquence des potentiels d'action

 

 

  1. Le nombre de fibres nerveuses stimulées

Plus le stimulus sera fort :• Plus grand sera le nombre de fibres stimulées. Si on place la main dans un bac d'eau tiède, à peine plus chaude que notre corps, seuls les récepteurs les plus superficiels de la peau seront stimulés. Par contre, si on place la main dans de l'eau très chaude, à la limite du supportable, en plus des fibres de surface, des fibres situées en profondeur dans la peau et même au-delà seront stimulées (la chaleur « se rend plus loin » dans la main).

  • Plus grand sera le nombre de fibres émettant des potentiels d'action. Les récepteurs nerveux n'ont pas tous le même seuil d'activité, c'est à dire la même sensibilité. Certains doivent être stimulés avec plus de vigueur (plus forte dépolarisation)que les autres pour émettre des potentiels d'action. Si le stimulus est faible, seuls les plus sensibles vont réagir. Par contre, si le stimulus est fort, même les moins sensibles vont réagir.

Plus le cerveau reçoit d'influx nerveux, plus il interprète que le stimulus est fort.

  1. La fréquence des potentiels d'action

Plaçons à nouveau la main dans un bac d'eau tiède. L'eau est assez chaude pour stimuler quelques fibres sensibles à la chaleur situées près de la surface de la peau. Il se forme alors, au niveau de chacune des fibres qui a été stimulée au-delà de son seuil d'activation, un potentiel d'action qui se transmettra tout au long de l'axone jusqu'au système nerveux central (la moelle épinière dans ce cas). Mais que se passera-t-il après? Si la main est toujours dans le bac d'eau tiède, après un court délai, il se formera tout simplement un autre potentiel d'action qui se transmettra, à la suite du premier, jusqu'au SNC. Puis il s'en formera un autre, et un autre, et un autre, tant que la main demeurera soumise à la chaleur de l'eau. Les potentiels d'action se succéderont comme des automobiles sur une autoroute.

Plaçons maintenant la main dans de l'eau très chaude. Le même phénomène se produira au niveau des fibres nerveuses stimulées par la chaleur. Il se formera un potentiel d'action puis, après un certain temps, il s'en formera un autre, puis un autre, etc. La seule différence, c'est que le délai entre chaque potentiel sera plus court.

Donc, plus le stimulus appliqué à une fibre nerveuse est fort, plus ce délai entre chacun des potentiels qui se forment est court. Si on stimule une fibre avec de l'eau tiède, il peut se former quelque chose comme cinq potentiels par seconde. Par contre, la même fibre, cette fois stimulée par de l'eau plus chaude, peut former jusqu'à cent potentiels d'action par seconde.

Le cerveau perçoit très bien cette différence dans la fréquence des potentiels d'actions. Il interprétera une fréquence élevée comme un stimulus fort et une fréquence faible comme un stimulus faible.