LA MALADIE D'ALZHEIMER

LA MALADIE D'ALZHEIMER

Lors de la maladie d'Alzheimer, le cerveau du patient est victime d'un double processus de dégénérescence et d'inflammation.

Il est caractérisé par deux types de lésions, chacune causée par une accumulation de protéines qui entraîne un dysfonctionnement de la cellule. Les progressions différentes de ces deux types de lésion participent à une lésion plus globale du cerveau:


  • au niveau extracellulaire, l'accumulation du peptide β-amyloïde provoque des plaques amyloïdes;

  • au niveau intracellulaire, l'accumulation de protéine Tau s'appelle neurofibrilles.

Les plaques amyloïdes correspondent à l'accumulation extracellulaire d'un peptide appelé « β-amyloïde » ou « peptide Aβ42 » (42, parce que constituée de 42 acides aminés). Cette protéine est une forme clivée anormale d'une glycoprotéine membranaire appelée « protéine précurseur de la protéine β-amyloïde » (ou APP pour Amyloïd Protein Precursor). C'est une enzyme, la β-secretase, qui provoque, pour des raisons encore mal comprises, le clivage anormal de la protéine APP. En temps normal cette protéine de la membrane des neurones est clivée par des secretases en peptide P3 non toxique. Le peptide Aβ42 est un peptide insoluble qui ne peut être dégradé efficacement par les cellules environnantes. Il s'accumule dans le milieu extracellulaire, formant des plaques séniles qui compriment les neurones. Le peptide β-amyloïde est donc une protéine neurotoxique.

La présence de plaques amyloïdes entraîne un dysfonctionnement des neurones environnants, puis la mort neuronale par apoptose ou par nécrose.

Les plaques amyloïdes libèrent de l'eau oxygénée (H2O2) et entraînent un stress sur les neurones environnants. Dans H2O2, la liaison entre les deux atomes d'oxygène étant relativement faible, elle peut se cliver (casser) en présence d'un ion métallique ayant des propriétés redox (tels que le cuivre et le fer, tous deux présents dans le cerveau). Un radical OH- (hydroxyles) est ainsi produit. Les radicaux libres ne respectent pas la règle de l'octet, ils sont donc instables car ils cherchent à coupler leur électron libre. Pour ce faire, ils vont arracher un atome d'hydrogène à la membrane du neurone (composée de molécules carbonées présentant de nombreux atomes d'hydrogène). La membrane « trouée » va donc laisser pénétrer d'autres radicaux libres qui s'attaqueront à l'ADN du neurone, entraînant la destruction des fonctions de la cellule privée d'information génétique. Dans le corps neuronal proprement dit, la membrane étant abîmée par les radicaux libres, les ions calcium et des fragments ß-amyloïdes vont également pénétrer et activer des enzymes dont le rôle est d'éliminer la membrane neuronale abîmée. Ces enzymes suractivées vont éliminer des portions de membrane saines et accélérer le processus de destruction. Les radicaux libres et les fragments d'Aß42 vont pénétrer en surnombre dans le corps du neurone, affecter son fonctionnement et contribuer à l'apoptose. D'autre part, le stress oxydatif provoque une réaction inflammatoire par le recrutement de la microglie qui va accélérer la destruction des neurones.


La protéine Tau est une macromolécule essentielle à la stabilité de la tubuline, protéine constituant majoritairement l'assemblage des microtubules qui forment le cytosquelette des axones. Les protéines tau se positionnent perpendiculairement à l'axone et assurent la rigidité des microtubules et le bon transport axonal.

Normalement, des protéines Tau se détachent périodiquement des microtubules, mais sont remplacées et rapidement dégradées chez le sujet sain. La maladie d'Alzheimer est caractérisée par des protéines Tau se détachant des microtubules et restant dans le milieu intracellulaire. Elles ne sont pas toutes dégradées et vont donc s'agréger. C'est cela qui va former les neurofibrilles. Trop de neurofibrilles bloquent le fonctionnement du neurone car elles ne permettent pas le transport axonal nécessaire à son activité. Les neurofibrilles compriment le neurone et provoquent une mort neuronale par apoptose.

La maladie d'Alzheimer est caractérisée par une perte de neurones et de synapses dans le cortex cérébral et certaines régions subcorticales. Cette perte anormale entraine une atrophie des régions affectées, incluant le lobe temporal, pariétal et une partie du cortex frontal. Le cerveau peut ainsi perdre 8 à 10 % de son poids tous les dix ans, contre 2 % chez un sujet sain. L'atrophie corticale s'accompagne d'une dilatation des ventricules cérébraux et des sillons corticaux ainsi que d'une perte neuronale affectant particulièrement les régions amygdale et hippocampe.

2018 alzheimer

 

Les différents types de mémoire seront affectés au fur et à mesure de l'évolution de la maladie: voir c’est pas sorcier – La maladie d’Alzheimer

 

 

ACTUALITE - Le Soir du 27-10-2016

Bientôt une pilule pour prévenir l'Alzheimer

Une étude révèle une nouvelle stratégie potentielle pour prévenir la maladie d'Alzheimer : stopper la prolifération d'une protéine néfaste, baptisée Tau. Cela fonctionne chez la mouche, la souris et sur des cellules humaines.

Prendre une pilule qui empêche l'accumulation de molécules toxiques dans le cerveau pourrait un jour aider à prévenir ou retarder la maladie d'Alzheimer, selon les scientifiques du Baylor College of Medicine, de l'Hôpital pour enfants du Texas et de l'École de médecine de l'Université Johns Hopkins.

L'étude, publiée aujourd'hui dans la revue de référence Neuron, démontre en trois volets la manière dont on pourrait aider à contenir le début des événements qui se produisent dans le cerveau longtemps avant l'apparition des symptômes de la maladie d'Alzheimer. Les scientifiques ont été en mesure d'empêcher ces événements précoces et le développement ultérieur de la pathologie dans des modèles animaux expérimentaux en laboratoire.

« Les maladies courantes comme la maladie de Parkinson, la maladie d'Alzheimer et la démence sont causées en partie par une accumulation anormale de certaines protéines dans le cerveau », explique l'auteur principal, le docteur Huda Zoghbi, professeur de génétique moléculaire et humaine et de pédiatrie – neurologie et neuroscience du développement au Baylor. « Certaines protéines deviennent toxiques quand elles s'accumulent, elles rendent le cerveau vulnérable à la dégénérescence. Tau est une des protéines impliquées dans la démence d'Alzheimer. ».

« Jusqu'ici, les scientifiques ont principalement mis l'accent sur les dernières étapes de la maladie d'Alzheimer », déclare le docteur Dr Cristian Lasagna-Reeves, co-auteur. « Ici, nous avons essayé de trouver des indices sur ce qui se passe au niveau des stades très précoces de la maladie, avant que les symptômes irréversibles cliniques apparaissent, avec l'intention de prévenir ou de réduire ces premiers événements qui conduisent à des changements dévastateurs dans le cerveau, parfois des décennies plus tard ».

Les auteurs pensent que s'ils peuvent trouver des moyens de prévenir ou de réduire l'accumulation de Tau dans le cerveau, ils découvriront de nouvelles possibilités pour le développement de traitements médicamenteux pour ces maladies.

« Nous avons trouvé un enzyme, une kinase, appelé NUAK1, dont l'inhibition conduit à des niveaux réduits de Tau », explique Zoghbi. Les chercheurs ont ensuite testé cette enzyme dans deux systèmes différents, des cellules humaines en culture et la mouche du fruit. Utiliser la mouche du fruit a permis d'évaluer les effets de l'inhibition des enzymes dans un système nerveux fonctionnel dans un organisme vivant.

« Le dépistage des centaines de kinases dans le modèle animal de la mouche des fruits est critique parce que nous avons pu évaluer la dégénérescence causée par la protéine tau dans le système nerveux de la mouche et mesurer le dysfonctionnement neuronal. Screener un aussi grand nombre d'enzyme ne peut pas être fait avec d'autres modèles animaux comme la souris, et des cellules en culture ne peuvent pas modéliser les fonctions du système nerveux complexes », explique le docteur Juan Botas, professeur de génétique moléculaire et humaine au Baylor. « Nous avons pris ce résultat à un modèle de souris de la maladie d'Alzheimer et les résultats sont là : inhiber NUAK1 a amélioré le comportement des souris et a empêché la dégénérescence de leur cerveau. Le fait d'avoir des confirmations de trois systèmes indépendants nous a convaincus que NUAK1 est une cible potentielle fiable pour des médicaments pour prévenir les pathologies tels que la maladie d'Alzheimer », explique Zoghbi. « La prochaine étape est de développer des médicaments qui inhibent NUAK1 dans l'espoir qu'un jour, on serait en mesure de réduire le niveau de Tau avec une faible toxicité chez les personnes à risque de démence ». Et avec l'espoir de traiter à l'avenir les personnes à risque pour la maladie d'Alzheimer, tout comme les médicaments qui abaissent le cholestérol ont aidé à contrôler l'accumulation de cholestérol dans les vaisseaux sanguins qui conduit à l'athérosclérose et les maladies cardiaques.

« Quand les gens ont commencé à prendre des médicaments qui abaissent le cholestérol, ils ont vécu plus longtemps et en meilleure santé plutôt que de mourir plus tôt de maladie cardiaque », s'enthousiasme Zoghbi. « Personne n'a pensé à la maladie d'Alzheimer sous cet éclairage. Tau dans la maladie d'Alzheimer peut être comparée à celle du cholestérol dans les maladies cardiaques. Tau est une protéine qui s'accumule quand la personne vieillit et augmente la vulnérabilité du cerveau à développer la maladie d'Alzheimer. Alors, peut-être si nous pouvons trouver des médicaments qui peuvent garder Tau à des niveaux qui ne sont pas toxiques pour le cerveau, alors nous serions en mesure de prévenir ou de retarder le développement de la maladie d'Alzheimer et d'autres maladies causées en partie par l'accumulation de Tau toxique ».

Pour Jean-Christophe Bier, neurologue à l'hôpital universitaire Erasme (ULB) et spécialiste de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer, « effectuer des recherches sur la protéine Tau est une excellente idée et cette recherche est potentiellement fort prometteuse. On n'explore en effet probablement pas suffisamment la piste de la protéine Tau, en se focalisant sur l'accumulation de plaque amyloïde qui est une des manifestations principales de la maladie d'Alzheimer ». Reste au moins un problème : « A quel moment tester la présence de protéine Tau anormale, susceptible de se transmettre un peu comme les prions de la vache folle ? Et sur quels patients. Manifestement, la protéine intervient moins tôt dans le décours de la maladie que l'amyloïde. Va-t-on proposer de tester tous les humains de plus de 35 ans pour savoir s'ils développent une pathologie Tau avant de leur donner une pilule éventuelle ? Aujourd'hui cela impliquerait de faire soit une imagerie très coûteuse, soit une ponction lombaire, ce qui semble difficile à justifier s'il n'y a pas d'indices de dégénérescence cérébrale. Va-t-on le proposer uniquement à ceux qui ont un ou deux proches qui ont souffert de la maladie ? Cela soulève beaucoup de questions ».
Et si les chercheurs ont bien identifié une enzyme qui bloque la production de protéine Tau pathologique, « rien n'est certain sur la toxicité du blocage de cette enzyme. Il ne faut pas qu'en nous en privant, on déséquilibre une autre fonction essentielle de notre cerveau ou de notre organisme. Cette recherche est très motivante et originale, mais elle pose beaucoup de questions non résolues, auxquelles il faudra répondre favorablement avant, un jour, pouvoir proposer une simple pilule d'anti-Tau aux millions de patients qui craignent de développer un Alzheimer ». Par ailleurs, le docteur Bier souligne que la comparaison des chercheurs avec l'accumulation de cholestérol qui peut être combattue par des médicaments comme des statines et réduire le nombre de crises cardiaques et d'AVC est a priori inadéquate. « Il s'agit ici de dégénérescence de neurones et pas d'un dépôt de protéines sur des parois neuronales. Je comprends qu'on utilise la comparaison pour montrer qu'une solution conceptuellement simple peut apporter beaucoup de profits, mais cela ne démontre en rien l'éventuelle efficacité d'une procédure anti-Tau sur l'humain, qui reste à démontrer ».