BIODIVERSITE

 

1. INTRODUCTION

Si les atteintes à l'environnement ne diminuent pas radicalement et rapidement, près du tiers des espèces animales et végétales auront disparu d'ici à l'année 2050. A la fin de ce siècle déjà 10% des espèces vivantes pourraient ne plus exister. La diversité génétique ou biodiversité (biological diversity) s'en trouvera profondément affectée.

 

La diversité biologique, c'est la biosphère vue sous l'angle de la complexité des formes du vivant. Ce concept permet de saisir la nature et les formes de vie animale et végétale qui la composent non plus comme un alignement, une juxtaposition d'éléments autonomes, mais comme des pièces ou des pions sur un échiquier, tous en interrelation.

 

La réduction de la diversité des espèces affecte en fin de compte l'ensemble du système car les éléments en sont interdépendants. Par exemple, pour chaque chêne que l'on abat, on met en péril l'existence de 423 espèces d'insectes permettant de nourrir 27 espèces d'oiseaux. Cela illustre la complémentarité qui existe entre les formes du vivant.

 

La réduction importante et la disparition totale d'éléments de la biodiversité sont appelées érosion génétique. Cette érosion peut avoir des causes naturelles, comme l'éruption d'un volcan, ou un raz-de-marée. Mais la réduction causée par l'homme est devenue la plus importante et a tendance à s'accélérer: aujourd'hui, le rythme de la destruction est de 17.500 espèces animales et végétales par année, alors que dans les 600 millions d'années qui ont précédé l'apparition de l'homme, il n'était que de 1 ou 2 espèces par an. Depuis quelques années, l'érosion génétique n'est plus simplement un phénomène de disparition d'espèces particulières mais la disparition d'écosystèmes entiers.

 

 

2. LES FORMES DE LA BIODIVERSITE.

 

Les organismes internationaux qui s'occupent de ces problèmes distinguent trois types de diversité biologique:

 

- génétique;

- spécifique (des espèces);

- écosystémique (des écosystèmes).

 

2.1 La diversité génétique.

 

On parlera de diversité génétique lorsque l'on veut évaluer la gamme des caractères différents et transmissibles existant chez les individus d'une même espèce. L'espèce fait réfé­rence à des individus qui sont génétiquement semblables, c'est-à-dire qui ont le même nombre de chromosomes, la même structure génétique et qui peuvent se reproduire entre eux. Mais à l'intérieur de cette catégorie, on trouve toute une série de différenciations de l'apparence extérieure (ou phénotypiques).

Chez les végétaux, le regroupement de spécimens présentant les mêmes caractéristiques extérieures s'appelle une "variété". Pour les animaux, on parlera de "race". Mais à l'intérieur des variétés et races elles-mêmes, chaque individu végétal ou animal (et humain) est cependant différent des autres, s'il est le produit d'une reproduction sexuée.

Ce n'est que dans le cas d'une reproduction asexuée que l'on peut obtenir des individus identiques, mais même dans ce cas, des mutations génétiques peuvent apparaître et modifier le code génétique d'un individu.

Dans la nature, chaque plante ou animal est unique au point de vue génétique.

 

Les caractères particuliers de chaque individu sont localisés dans les gènes. Plus la variété de ces caractères est grande, plus une espèce a des chances de s'adapter à des chan­gements importants survenant dans l'environnement. La perpétuation de la vie dans sa diversité est ainsi liée à la multiplicité des caractères contenus dans le code génétique des plantes et des animaux. Les plantes à fleur contiennent le plus de gènes, plus de 400.000; 100.000 chez les mammifères et à peine 1000 chez les bactéries.

C'est pourquoi les plantes sont si importantes pour la préservation de la biodiversité.

 

La réduction du nombre d'individus d'une population donnée entraîne inévitablement une réduction de la diversité génétique (ou de la variété des caractères) de cette espèce. Le seuil de disparition totale varie selon les espèces; mais de toute manière, la diminution des individus de l'espèce fragilise les survivants qui n'ont pas forcément toute la gamme des gènes de l'espèce à disposition.

 

2.2 La diversité spécifique.

 

La diversité spécifique fait référence à l'existence de plusieurs espèces différentes sur un même territoire de dimensions modestes (biotope: forêt, marécage, vallée).

 

Un grand nombre d'espèces différentes sur un territoire donné est le signe de la richesse d'un biotope, les interrelations entre les espèces y sont nombreuses car les chaînes tro­hiques sont plus ou moins longues et détaillées.

 

Par contre, la faible représentation d'ordres différents alliée à un nombre limité d'espèces du même ordre fait penser à un milieu pauvre. En outre, moins il y a d'espèces ayant la même fonction de prédation à un maillon donné de la chaîne, et plus la fragilité de celle-ci est prononcée.

Exemple 1: une seule espèce de rapace dans un milieu donné entraîne le risque que sa disparition ne fasse pulluler les rongeurs.

Exemple 2: la prolifération excessive des lapins introduits en Australie n'a été possible que par l'absence de prédateurs de ces animaux à reproduction très rapide.

 

 

2.3 La diversité écosystémique.

 

La diversité spécifique conduit à considérer la diversité écosystémique dans son ensemble. Un écosystème n'est pas fait que d'animaux et de plantes mais aussi des éléments physiques tels que la nature des sols, l'hydrographie, le climat, la to­pographie, et les grands cycles qui régulent ces systèmes: cycle du carbone, de l'azote, de l'oxygène, du phosphore, ... Ces mécanismes sont complexes mais ce sont eux qui permettent la continuation de l'existence des espèces et la préservation de la biodiversité.

 

La diversité des écosystèmes est aussi parfois considérée comme la variété et le nombre des écosystèmes différents com­pris dans une région donnée. La diminution du nombre de ces écosystèmes intervient lors de travaux d'assèchement de zones humides, de déboisement ou de développement de l'agriculture intensive.

 

 

2.4 Conclusion.

 

Les trois formes de diversité ont des relations étroites entre elles. La diversité écosystémique dépend en fait du main­tien de la diversité génétique, du foisonnement des gènes des variétés et espèces. Il n'y a pas de gènes ou d'espèces "inutiles" car chacune peut jouer un rôle plus ou moins en vue à un moment donné de l'Histoire (exemple: les mammifères d'au­jourd'hui avaient la taille de rongeurs à l'époque des dinosaures, lorsque ceux-ci ont disparu, les mammifères ont crû et ont pris la relève dans la chaîne alimentaire).

 

Les écosystèmes sont ainsi de vastes réservoirs de gènes qui garantissent la continuation de l'existence de la biosphère dans sa capacité d'adaptation aux changements qui pourraient advenir.

 

 

3 AMPLEUR ET REPARTITION DE LA BIODIVERSITE.

 

Une estimation précise du nombre d'êtres vivants actuels de la planète est impossible à réaliser dans les conditions actuelles de la recherche.

Les espèces les mieux connues sont les oiseaux et les mammifères. Les insectes restent une grande inconnue car le milieu qui en contient le plus, la forêt tropicales, est d'un accès malaisé.

 

Tous les milieux sont génétiquement diversifiés, même les déserts, mais certains écosystèmes sont plus riches en biodi­versité que d'autres, et contiennent d'une manière générale plus d'espèces. D'une manière globale, les pays de l'hémisphère sud sont plus riches en biodiversité que ceux du nord. Les deux tiers au moins des espèces végétales et animales sont concentrées dans les pays tropicaux et subtropicaux.

Les forêts tropicales humides (>100cm de pluie par an) constituent le milieu le plus riche en espèces animales et végétales. Elles contiennent la moitié au moins des espèces au niveau mondial, sur seulement 7% du total des terres émergées.

 

D'autres écosystèmes méritent une attention spéciale car ils sont très diversifiés, contiennent des espèces uniques, mais sont malheureusement très menacés. Dans cette catégorie, on trouve les récifs coralliens, les zones côtières humides (mangroves), les zones humides d'eau douce en général (rivières, lacs, étangs, ...) et les îles où existent des populations endémiques très particulières.

 

 

4. UTILISATIONS DE LA BIODIVERSITE

 

A quoi sert la biodiversité ?

La première réponse est que la biodiversité sert à la vie elle-même La diversification des formes du vivant a une fonction de reproduction de chacun de ses membres et du système dans son entier.

 

Mais la question est généralement posée par rapport à l'homme, de ce qu'il peut faire de la nature, celle-ci étant avant tout au service de l'homme, ce qui est une conception ré­ductionniste des systèmes biologiques.

 

La biodiversité remplit trois fonctions:

 

- réservoir d'aliments;

- réservoir de substances médicinales;

- réservoir de substances industrielles.

 

 

4.1 Ressources alimentaires.

 

Le genre humain utilise à son profit (en 1990) près de 40% de la "production nette primaire" (PPN) végétale. Il s'agit du total de l'énergie contenue dans la biomasse produite par les végétaux moins l'énergie que ces organismes utilisent pour leur propre vie et reproduction.

 

On peut se dire qu'il reste donc 60% de PPN à exploiter, ce qui laisse une marge confortable pour les années à venir. Mais la population va plus que doubler d'ici l'an 2100 et qu'à ce moment-là, au taux d'exploitation actuel de la PPN, ce seront 80% des ressources végétales que nous utiliserons.

 

Enfin, il faut considérer que plus l'homme utilise la bio­masse, moins il laisse de ressources aux autres espèces. Il réduit par là la diversité biologique.

 

L'homme moderne mange un nombre très restreint de plantes; 75% du volume de nourriture végétale consommée provient de 7 plantes: le blé, le riz, le maïs, la pomme de terre, l'orge, la patate douce et le manioc. Les trois premières représentent 50% du total consommé. Or, un tiers du total des plantes décrites est considéré comme comestible par l'homme.

 

Mais pour les sélectionneurs et les biotechnologistes, la nature représente aujourd'hui surtout un réservoir de gènes, dans lequel on va puiser lorsqu'on cherche à "améliorer" une espèce comestible existante, à la rendre plus productive ou plus résistante. La préservation de l'existence des plantes in situ est donc très importante.

 

 

4.2 Ressources pour la santé.

 

Les 3/4 de la population humaine du globe, surtout concentrée dans l'hémisphère sud, font appel directement aux vertus des plantes pour se soigner. La médecine occidentale elle-même tire 50% de ses produits de quelques 119 principes actifs des plantes ou de la synthèse de ces substances. Aux USA, 25% des médicaments sont issus directement de plantes.

 

Seules 90 plantes ont été mises à contribution par la médecine moderne jusqu'à aujourd'hui, et 5000 d'entre elles ont été étudiées pour leurs vertus thérapeutiques; ainsi le potentiel non encore étudié dépasse 98% des plantes supérieures connues. La nature est un énorme réservoir de molécules et de gènes en tout genre. Chaque jour, on découvre de nouvelles utilisations d'espèces connues depuis longtemps.

La découverte de la ciclosporine, provenant de champignons, représente une étape capitale dans l'histoire de l'immunologie et de la transplantation d'organes. Grâce à cette substance immunosuppressive, l'acceptation de l'organe du donneur et le maintien de sa fonction dans l'organisme du receveur sont rendus possible.

Au Japon, le poisson-ballon (ou tétrodon) a causé la mort de centaines de personnes qui le mangeaient. De cette observation découla la découverte d'une toxine (la tétrodotoxine) 25 fois plus puissante que le curare et utilisée, entre autres, comme anti-douleur.

 

4.3 Réservoir de substances industrielles.

 

La nature offre toute une série d'éléments qui servent à fabriquer des produits de la vie quotidiennes utiles à l'homme:

- le bois (matériau de construction, ébénisterie, pâte à papier);

- le caoutchouc (provient du latex de l'hévéa);

- les amidons et les sucres (savons, cosmétiques, explosifs, colorants, industrie alimentaire, ...);

- les huiles et graisses (lubrifiants, cosmétiques, enduits et peinture);

 

4.4 Exemples de plantes utilisées par l'homme.

 2018 biodiversite

 

 

5. TRANSFORMATION ET REDUCTION DE LA BIODIVERSITE

 

Deux phénomènes ont concouru à la modification profonde des écosystèmes du monde: les développements de l'agriculture et l'apparition de sociétés industrielles organisées.

 

L'homme a été l'agent le plus important des changements observés dans la répartition des espèces sur la planète:

 

- par les migrations et l'occupation de territoires nouveaux

- par les colonisations (On a assisté grâce à la colonisation à l'uniformisation des agricultures selon le mode européen, à l'introduction de cultures de rente, c'est-à-dire non destinées à nourrir les populations locales mais européenne, cultures non vraiment indispensables à l'homme (cacao, café, thé, coton).)

- par les cultures de plantes rentables économiquement

- par l'élevage d'animaux domestiques, ...

 

Ces changements ont finalement conduit à une perte de diversité (même si des espèces nouvelles ont été introduites) au total.

 

La réduction de la biodiversité est également causée par:

 

- la perte et la dégradation des habitats (déforestation, drainage des zones humides, construction de barrages,...)

- la pollution de l'environnement;

- la pression du tourisme;

- l'introduction d'espèces étrangères;

- les modes d'alimentation, de vie;

- le commerce d'espèces ou de leurs produits;

- les monocultures et l'amélioration des espèces.

 

6. CONCLUSION.

 

Il n'existe pas de solution-miracle capable d'éliminer les menaces en tous genres qui pèsent sur la biosphère. Nous ne pourrons sauver la Terre qu'en ayant recours à un ensemble de mesures comme:

 

- la protection in situ; c'est-à-dire garder en vie les espèces là où elles se trouvent.

 

- la protection ex situ; c'est-à-dire conserver et multiplier les espèces en dehors de leur milieu naturel (parc naturel, jardin zoologique, ...)

 

- adopter des mesures qui concernent toute la biosphère, l'at­mosphère dans son ensemble, les océans, ... Cela ne peut se faire qu'avec l'aide d'organisations internationales concernées (WWF, OMS, PNUE, FAO, ...) qui établissent des accords interna­tionaux importants tels:

- la convention de Ramsar (zones humides);

- la CITES (limitation du commerce international);

- la convention sur les sites du patrimoine mondial;

- l'accord international sur les bois tropicaux;

- la convention globale sur la diversité biologique.

 

Mais toutes ces mesures ne constituent que des palliatifs aux excès des activités humaines. L'homme est allé trop loin, l'artificialisation de la nature est en fait un appauvrisse­ment. Les biologistes mettent l'accent sur la perte importante d'éléments du stock génétique mais il s'agit en fait d'un problème plus vaste, un problème de confrontation entre deux formes de civilisation: celle qui pose l'homme comme maître absolu sur les autres espèces et celle qui lui donne une place égale à celle des autres espèces. La première est une civilisation éco-destructrice, où l'homme se sert de son intelligence contre les autres formes de vie et met par là sa propre vie en péril.

 

Bien que la nature n'est plus ignorée, elle est fondamentalement toujours considérée comme un domaine à conquérir, à occuper, et à faire produire, pour satisfaire des besoins de plus en plus illusoires. Or, tant que l'homme sera imprégné de cette mentalité de moine défricheur, il ne pourra pas comprendre qu'il n'est qu'un maillon d'une vaste chaîne trophique qui est complexe et qu'il faut traiter avec ménagement. L'homme est une espèce comme une autre et si son intelligence lui donne des pouvoirs spéciaux, il ne peut les utiliser contre la nature sans provoquer sa perte.

 

pdfLa biodiversité en Belgique

 

 

Extrait de:

 

AUROI CL., "La diversité biologique" dans Collection "Dossiers de l'Environnement" Vol.VII, publié par la Société suisse pour la protection de l'environnement (SPE), GEORG Editeur. Juin 92

 

WWF, "Diversité biologique... assurance-vie" dans revue WWF Panda N°30, 2ème trimestre 89.

 

WWF, "Plantes utiles des tropiques" Ed.Responsable: WWF Belgique 1180 Bruxelles.

 

 

 

autres sites:

http://www.webencyclo.com/dossiers/biodiversite/default.asp