NOTION D'ECOLOGIE

I. INTRODUCTION

L'origine du concept "Ecologie" diffère selon que l'on considère le contenu du terme, sa signification ou son utilisation.
Les références aux relations entre les plantes, les animaux et leur milieu naturel se retrouvent chez les auteurs de l'antiquité : Théophraste, Aristote, etc. Buffon et Geoffroy St-Hilaire, biologistes au 18è et 19è siècle, témoignent déjà d’un esprit de synthèse écologique.
Darwin au 19è siècle, sans exprimer le concept d'Ecologie, parlait d'une "Economie de la Nature".
Le mot aurait été employé pour la première fois en 1858 par un écrivain naturaliste américain (dont l'histoire n'a pas retenu le nom) , mais généralement, c'est au biologiste allemand Ernest Haeckel (1834-1919) qu'on attribue la première introduction du mot "Ecologie" dans le langage scientifique. Etymologiquement, il dérive des racines grecques "OIKOS" qui signifie "habitat"
et "LOGOS" qui signifie "le discours, la science", donc il se traduit littéralement par "Science de l'habitat".
L'Ecologie est la science des relations des êtres vivants avec leur milieu; c'est-à-dire qu'elle vise à établir des lois qui règlent leurs rapports, à la fois avec leur environnement abiotique et avec les organismes vivants. Elle est en quelque sorte à la fois une économie et une sociologie de la Nature."

La notion de protection de la nature est sensiblement différente. Elle s'est surtout développée après la seconde guerre mondiale. Il s'agissait à ce moment de sauver des sites d'intérêt scientifique particulier et de préserver des espaces plus vastes de toute intervention humaine. Cette notion a débouché sur la création de Réserves et de Parcs Naturels.
Peu à peu, le concept de "protection" a été remplacé par celui de "conservation". Ce dernier ne se limite plus à l'aspect purement sentimental et statique de la protection.
Conserver la nature ce n'est pas seulement protéger passivement certaines espèces animales ou végétales, ou certains milieux qui seraient en quelque sorte mis "sous cloche", entourés de barbelés ou de panneaux d'interdiction, mais c'est aussi intervenir dans l'évolution dynamique des écosystèmes. Certains milieux (dits semi-naturels- par exemple les landes et les pelouses parcourues jadis par les troupeaux de moutons ou de chèvres, ou les prairies humides de fauche), qui dérivent de formations naturelles par exploitation humaine et qui sont des milieux remarquables du point de vue biologique, nécessitent en effet, pour être sauvegardés, une gestion appropriée.

Dans le même ordre d'idées, dans le cadre d'une Réserve Naturelle - par exemple un marais - le conservateur est parfois amené à intervenir énergiquement sur l'évolution du paysage. Un marais peut évoluer, en quelques années, du milieu palustre formé d'une végétation d'hélophytes diversifiée (roseaux, laîches, massettes, rubaniers, salicaires, etc.), qui entretient des groupes faunistiques variés (insectes, batraciens, fauvettes, limicoles, canards, etc.) vers la saussaie, qui ne comprend plus qu'un nombre réduit d'espèces végétales et qui n'abrite plus que quelques rares espèces animales.
Une notion reste encore à préciser :
L'environnement, c'est un terme à la mode que tout un chacun utilise sans avoir pris la précaution d'en vérifier le sens exact. L'environnement représente, à un moment donné, l'ensemble des agents physiques, chimiques et biologiques et des facteurs sociaux susceptibles d'avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme, sur les êtres vivants et les activités humaines". Il débouche inévitablement sur la notion de qualité de la vie qui est un état évalué de l' environnement en fonction de ses effets sur les êtres vivants.
L'écologie est subdivisée en autoécologie, synécologie et dynamique des populations.


2. L'AUTOECOLOGIE

Elle étudie l'influence des facteurs extérieurs sur un individu. Ces facteurs sont de deux sortes : abiotiques, indépendants des êtres vivants, et biotiques, liés aux êtres vivants.

2.1. Les facteurs abiotiques

- Les facteurs édaphiques sont les facteurs liés au substrat, sol ou eau. Ils peuvent être chimiques (acidité, salinité, etc.) ou physiques (structure et porosité du sol, vitesse du courant d'une rivière, etc.)

- Les facteurs climatiques sont la température, l'éclairement, les précipitations, le vent ...
Le climat peut être considéré à plusieurs niveaux :
Le macroclimat est le climat à l'échelle d'une région. Il résulte de situation géographique, c'est-à-dire de la latitude, de la proximité la mer, de l'altitude, ... On parlera à ce niveau du climat méditerranéen, du climat tropical, ...

Le microclimat est envisagé à l'échelle de l'individu. C'est, par exemple, le climat d'une fente de rocher, d'un terrier, d'un bosquet, d'une falaise calcaire, ... Il explique notamment la répartition des mousses et lichens sur les troncs en fonction de la direction des vents chargés de pluie et des écoulements d'eau.

Entre le macroclimat et le microclimat, se situe le mésoclimat qui désigne, par exemple, le climat d'une vallée ou d'une forêt et qui dépend entre autre de la topographie et de l'orientation.

2.2. Les facteurs biotiques

Les organismes vivants (animaux et végétaux) exercent les uns sur les autres différents types d'actions.

Celles-ci peuvent être indirectes et modifier les facteurs initiaux du milieu (exemple : l'arbre en été provoque une zone d'ombre au niveau du sol, il en modifie le microclimat stationnel et la microbiologie). Les êtres vivants peuvent donc transformer les conditions dans lesquelles vivent d'autres organismes.

Elles peuvent aussi être directes et former un ensemble de véritables facteurs liés aux êtres vivants.

Au niveau des facteurs biotiques, les actions réciproques, interactions ou coactions peuvent avoir des intensités différentes selon les cas. On peut mesurer leurs conséquences en considérant la survie, la croissance, ou la prospérité des organismes concernés.

La nature des interactions n'est pas toujours nettement déterminée et il peut être assez difficile de juger de leurs effets réels. Certains types d'interactions désignent des relations entre individus d’espèces différentes (Relations interspécifiques). C'est le cas de la prédation, du parasitisme, de la symbiose et du commensalisme.
D'autres désignent des interactions possibles entre individus de la même espèce (Relations intraspécifiques). .
Les relations intraspécifiques sont régies par deux grandes tendances : la tendance répulsive qui aboutit à la sélection naturelle par les phénomènes de compétition (survie des mieux adaptés... ) et à la hiérarchie sociale ou l'établissement de territoires; la tendance attractive qui conduit à la vie sociale ou à la rencontre des partenaires en vue de la reproduction.

2.2.1. Les relations intraspécifiques

1. L'effet de groupe existe chez de nombreuses espèces animales (insectes, mammifères). Il comprend l'ensemble des modifications qui interviennent dans le comportement des animaux de la même espèce lorsqu'ils sont groupés par deux ou plus de deux. Une conséquence principale en est l'accélération souvent importante de la vitesse de croissance des individus dans la population. L'effet de groupe se manifeste chez de nombreuses espèces qui ne peuvent se reproduire normalement et survivre que lorsqu'elles sont représentées par un nombre suffisant d'individus au sein d'un même groupe. Il correspond à des phénomènes considérés comme favorables à l'ensemble de la population.
Exemple : certaines espèces d'ongulés sociaux requièrent un nombre d'individus suffisamment élevé. Ainsi, dans une population de rennes, pour un effectif inférieur à 350 individus, la survie du troupeau est sérieusement compromise.

2. L'effet de masse désigne au contraire les effets liés au surpeuplement. Il peut se traduire par une diminution de la fécondité (par exemple chez certains rongeurs) , des troubles physiologiques, des comportements aberrants comme le cannibalisme à l'égard des oeufs ou des jeunes. Les causes sont le plus souvent la limitation de la quantité de nourriture disponible ou le manque d'espace.
Exemple : le cas des Goélands argentés. Dans certaines colonies à forte densité d'individus (Pays-Bas), il se produit des phénomènes de cannibalisme à l'égard des nichées.

3. La compétition intraspécifique
La compétition est la concurrence s'exerçant entre plusieurs organismes lorsque la somme de leurs demandes en nourriture, en certains éléments minéraux, en eau, en sources énergétiques, en espace libre, etc., est supérieure à ce qui est réellement disponible.
Exemple : dans un semis naturel d'épicéas, sur un terrain relativement homogène, une grande majorité des graines germent et donnent naissance à des plantules, cependant quelques unes d'entre elles seulement deviendront des arbres; les autres moins compétitives seront supplantées ou étouffées par les individus dominants.
La compétition n'est pas exclusivement du domaine des relations intraspécifiques, elle peut également exister entre des individus d'espèces différentes.


2.2.2. Les relations interspécifiques

1. La compétition interspécifique

Les principes de base sont identiques à ceux du phénomène de compétition intraspécifique, mais ils s'adressent à des individus d'espèces différentes.

Chez les animaux, elle se manifeste principalement par la concurrence vis-à-vis des sources de nourriture. La compétition est d'autant plus forte que les comportements alimentaires sont proches.
Un cas typique de compétition interspécifique a été observé lors de l'introduction du renard en Australie. Le renard ayant un régime alimentaire très éclectique est entré directement en compétition alimentaire avec un mammifère marsupial prédateur. Bénéficiant d'une capacité de reproduction élevée et d'une grande plasticité écologique, au bout de quelques années, le renard a fini par supplanter le prédateur indigène.

2. La prédation

Le prédateur est un organisme libre qui recherche une nourriture vivante; il tue sa proie pour s'en nourrir.

Cette relation de type antagoniste entraîne à court terme la disparition de l'un des deux individus; seul le prédateur en tire bénéfice.
Les prédateurs peuvent être classés en plusieurs ordres, selon le niveau trophique des organismes qu’ils consomment.
Un prédateur peut subsister aux dépens d'une ou plusieurs espèces.

On distingue :
- des espèces polyphages : se nourrissant de nombreuses espèces animales ou végétales (ex. le renard).
- des espèces monophages : vivent aux dépens d'un seul animal ou d'une seule plante.

La monophagie est rare chez les vertébrés. Même chez certains prédateurs spécialisés comme la Bondrée apivore qui se nourrit presque exclusivement d'Hyménoptères (frelons, guêpes, abeilles), la règle n’est pas absolue (elle consomme également des Batraciens, des Rongeurs, etc.).
Un exemple de monophage des plus stricts cité dans tous les précis d'écologie est le milan des Everglades en Floride; il vit exclusivement aux dépens d'une seule proie (un escargot ).

=Les prédateurs jouent un rôle important dans l'équilibre biologique; ils ont une action limitante ou régulatrice sur les populations des espèces proies.

3. Le parasitisme

La distinction entre "parasitisme" et "prédation" n'est pas toujours évidente. En fait, les parasites et les prédateurs s'échelonnent le long d'un gradient plus ou moins continu, depuis les bactéries et les virus microscopiques qui vivent dans les tissus de l'hôte, en passant par les ectoparasites (poux suceurs), jusqu'aux grands félins de la savane.
Généralement, le terme parasite est employé lorsque l'organisme "exploiteur" est petit et qu'il vit (sur) ou (dans) l'hôte qui sert alors de source d'énergie et d'habitat.
Certains parasites sont inféodés à des hôtes bien particuliers. Cette spécificité de l'hôte existe dans un grand nombre de cas. L'espèce parasite ne peut alors vivre qu'aux dépens d'une espèce ou d'un petit nombre d'espèces apparentées. (monophagie).
Les cas de parasitisme sont nombreux tant dans le monde animal que végétal : poux parasitant l'homme; larves d'insectes vivant dans les galles, "mousse" du poisson; Mildiou de la vigne ou de la pomme de terre, etc.

4. Le commensalisme

C'est la relation entre deux individus d'espèces différentes dont l'un profite de l'autre (source de nourriture, support) sans toutefois lui nuire ou lui apporter un quelconque avantage.
Chez les animaux, on peut citer les insectes qui peuplent les terriers de mammifères. Ces insectes recherchent, dans les gîtes, un microclimat particulier (température, humidité) et une source de nourriture qui peut provenir des reliefs des repas de l'hôte ou de ses excréments. Dans les terriers des marmottes des Alpes, on a pu recenser rien que pour les coléoptères plus d'une centaine d'espèces.
Un autre cas typique de commensalisme est celui d'un crabe minuscule (Pinnotheres pisum) vivant à l'intérieur des moules. Installé sous le manteau du mollusque, près des branchies, il se nourrit des matières nutritives qui filtrent au travers des lamelles branchiales.

Pour les végétaux, on parlera rarement de commensalisme. Dans ce type de rapports, on parlera plutôt d'épiphytisme.
Un épiphyte est un végétal autotrophe croissant sur un autre végétal vivant, sans parasiter celui-ci. Citons les mousses et les lichens vivant sur les branches et les troncs d'arbres, de nombreuses-Broméliacées, orchidées et fougères des forêts équatoriales très humides, etc. Dans tous les cas, la plante-hôte sert simplement de support aux épiphytes.


5. La symbiose ou mutualisme

Il y a mutualisme si l'association des deux êtres vivants entraîne des bénéfices réciproques. Un des cas les plus connus est celui des lichens où une algue (le plus souvent une Chlorophycée) est associée avec un champignon (un Ascomycète chez la quasi totalité des lichens européens). Selon la théorie de la symbiose mutualiste, l'algue fournirait au champignon les glucides élaborés par la photosynthèse; en échange, le champignon assurerait l'hébergement de l'algue, la protègerait contre la dessication et lui procurerait l'eau et les sels minéraux qu'il puise dans le substrat.

Dans le monde animal, l'association entre une anémone de mer et le bernard l'ermite offre également un exemple typique de mutualisme. L'anémone, fixée sur la coquille du mollusque habitée par le bernard l'ermite, est véhiculée dans des endroits divers, ce qui lui permet d'être plus abondamment nourrie. Elle peut également se nourrir des débris de proies de son hôte. Le crustacé, du fait de la présence de l'anémone, bénéficie d'une immunité contre ses prédateurs naturels. Grâce à ses tentacules munis de cnidoblastes urticants (cellules particulières des tentacules de l'anémone de mer lui permettant de paralyser ses proies. Ces cellules sont munies d'un filament épineux enduit d'un liquide urticant, il peut se dévaginer et s'implanter dans le corps de la proie), l'anémone protège le bernard l'ermite en chassant ses éventuels prédateurs.

Dans le même ordre d'idées, les bactéries cellulolytiques (qui dégradent la cellulose) qui vivent dans le système digestif des ruminants leur permettent d'assimiler la cellulose des végétaux.


3. SYNECOLOGIE


3.1. La notion d'écosystème

La synécologie étudie les communautés d'êtres vivants et le milieu qui les entoure, c'est-à-dire les rapports qui s'établissent entre les diverses espèces végétales et animales et le milieu extérieur.
En synécologie, une unité importante est la biocénose; elle correspond à une communauté d'êtres vivants qui habitent une portion du paysage et sont adaptés aux conditions de ce milieu.

L'ensemble formé par le biotope et la biocénose constitue l'écosystème.
Le terme écosystème peut être appliqué à des unités d'étendue très variables (tronc d'arbre mort ou forêt, étang ou océan,...)
Le passage d'une biocénose a une autre peut se faire plus ou moins brutalement. Dans beaucoup de cas, il existe une zone de transition plus ou moins large appelée écotone où la faune et la flore sont souvent plus riches que dans les biocénoses adjacentes dont les espèces se mélangent plus ou moins. Cet effet est connu sous le nom d'effet de lisière. La lisière compte en outre des espèces qui lui sont propres. Ex. Le Pouillot véloce est un passereau typique de la lisière. Il construit son nid au sol, en paysage ouvert, mais il trouve les insectes dont il se nourrit sur les feuilles des arbres de la lisière.
Chez les Gallinacés, le Faisan de colchide est un oiseau typique de la lisière; on le rencontre au bord des bois ou en paysage bocager.

Toute biocénose est fonction de son biotope, et réciproquement le biotope est influencé par la biocénose :

- l'action est l'influence exercée par le biotope sur la biocénose. Il s'agit de la température, de la nature du sol, etc., responsables de l'adaptation, du maintien, de la sélection ou de la régulation des espèces.
- la réaction est l'influence exercée par la biocénose sur son biotope. Elle se manifeste par la destruction, l'édification ou la modification de celui-ci (ex. tassement du sol sous l'effet du pâturage, aération du sol par les lombrics, fixation des dunes par les oyats).

- la coaction est l'influence que les organismes exercent les uns sur les autres.


3.2. L'équilibre biologique

Dans un écosystème, les êtres vivants dépendent les uns des autres et sont intimement liés à leur milieu inorganique (biotope). Sous l'influence des facteurs externes et internes, la phytocénose se transforme et évolue par paliers successifs. Parallèlement, les groupements faunistiques se succèdent, s'adaptent et évoluent en "harmonie" avec la végétation.

On assiste, selon le niveau trophique, à une production ou à une consommation de matière organique; autrement dit à des transferts d'énergie. Donc, au sein de cet écosystème naturel, chaque espèce voit ses "ambitions" limitées par ceux qui la dévorent, par le manque de nourriture ou par toute forme de facteur limitant.

Ce développement harmonieux introduit la notion d'équilibre biologique on ne peut, sous peine d'un dangereux simplisme, le comparer à celui d'une balance immobile chargée de poids égaux sur les deux plateaux. C'est plutôt celui d’un balancier pendule, aux oscillations régulières ... Dans le cas des écosystèmes où chaque espèce contribue au maintien de l'équilibre biologique, on parlera plutôt d'équilibre dynamique.

3.3. L’évolution progressive des écosystèmes

Les notions de série et de climax
Selon la terminologie écologique, chacun des stades de développement d'un écosystème est appelé un stade séral. Les êtres vivants qui colonisent un substrat dénudé (milieu à l'origine non peuplé) sont qualifiés d'organismes pionniers. Ils appartiennent aux premiers stades de l'évolution.

Au sein de l'écosystème considéré, la succession des biocénoses (ou série) se termine par un stade relativement stable (à l'échelle humaine), en équilibre avec le milieu inorganique : LE CLIMAX.

Par exemple; l'observation des pelouses calcaires où le pâturage a cessé, montre leur envahissement progressif par des arbustes (Aubépine et Prunellier ), puis par des arbres isolés, qui formeront par la suite une chênaie à charmes. Le stade final de cette série se terminera par un stade climacique : la hêtraie calcicole.

La série végétale progressive correspond à des groupements végétaux qui se succèdent régulièrement dans une station homogène donnée depuis le stade initial de colonisation jusqu'au stade terminal stable appelé climax.


Remarque : Il y a évolution parallèle entre la phytocénose, la zoocénose et le substrat (sol, eau). Le stade climacique est d'autant plus stable que les relations entre les divers organismes sont nombreuses et variées.

La séquence végétale

Contrairement à la série, la séquence végétale est une évolution de la végétation dans l'espace. Elle se caractérise, dans un biotope où les paramètres abiotiques diffèrent d'un endroit à un autre (selon la nature du sol, l'épaisseur de la couche d'humus, l'humidité, etc.), par des formations végétales différentes.

Il y a une corrélation évidente entre la maturation du sol et l'enchaînement des communautés végétales plus ou moins équilibrées. L'observation de cette évolution dans l'espace est relativement intéressante car la séquence, par la diversité de ses stations, peut récapituler les stades successifs de l'évolution temporelle de la série végétale.

3.4. L'évolution régressive des écosystèmes


Par opposition aux séries évolutives progressives, aboutissant à un climax, il existe également des séries évolutives régressives. Ce type d'évolution résulte souvent de phénomènes naturels à caractère "catastrophique" : modification climatique brusque, intempéries, incendies, ou d'actions anthropiques (pâturage excessif d'ovins, exploitation forestière abusive).
Pour illustrer cette nouvelle définition, nous reprendrons le cas de la hêtraie installée sur un substrat calcaire : à la suite d'une exploitation forestière abusive, la forêt est clairiérée. Cette formation détruite est remplacée par des taillis de chênes, charmes et noisetiers. Ceux ci, pâturés, se dégradent et les espèces ligneuses disparaissent progressivement. Suite à cette dernière intervention humaine, le fourré fait alors place à la pelouse. Ce type de couvert végétal amenuisé ne peut empêcher le ruissellement des eaux de pluies; l'érosion emporte des particules fines du sol et détruit en partie sa structure. A la longue, la roche mère apparaît par places, des plages de cailloutis s'étendent sur de grandes surfaces. Celles-ci sont finalement colonisées par une végétation très ouverte formée de quelques espèces spécialisées ...
L'évolution de cette série passe donc du stade de forêt à une végétation très simple dont la structure est celle d'une végétation pionnière...



3.5. Les transferts de matière et d'énergie dans les écosystèmes


Les êtres vivants peuvent être classés en différentes catégories selon le niveau où ils interviennent dans la transformation de la matière. Grâce à l'énergie solaire captée par la chlorophylle, les végétaux autotrophes élaborent des substances organiques (glucides, lipides, protides) à partir du dioxyde de carbone (CO2), de l'eau et des sels minéraux puisés dans le sol. Ce phénomène porte le nom de production primaire. C'est le point de départ du réseau alimentaire. Les êtres vivants qui se nourrissent de la matière végétale" élaborée par les producteurs primaires sont appelés consommateurs de premier ordre. Les prédateurs et les parasites portent le nom de consommateurs de deuxième ordre. Les superprédateurs ou les parasites des prédateurs représentent le niveau supérieur du réseau alimentaire. Ils se nourrissent de prédateurs, ce sont des consommateurs de troisième ordre.

Les consommateurs de matière morte ou décomposeurs se nourrissent de cadavres ou d'excréments. C'est le stade final de transfert de la matière. (Ces transformateurs portent également le nom de bioréducteurs). Les décomposeurs assurent la minéralisation de la matière organique. Le système écologique réclame un apport permanent d'énergie solaire. Les végétaux verts, grâce à cette source d'énergie, fournissent l'oxygène et la matière organique nécessaires à la vie de la zoocénose. Les animaux nécessitent également de l'énergie solaire mais ils ne peuvent l'utiliser à l'état brut. Ce sont les plantes chlorophylliennes qui la leur fournissent en "l'emmagasinant". Ce phénomène de transfert se reproduit à chaque niveau de la pyramide alimentaire. Ainsi a lieu un transfert d'énergie, par paliers successifs de la plante à l'animal, puis d'un animal à un autre. Mais à chaque "passage", à court ou à long terme, il y a une déperdition d'énergie.
En effet, les producteurs primaires n'utilisent qu'une petite partie de la quantité d'énergie solaire qu'ils reçoivent. L'énergie maximale utilisée par la photosynthèse n'est guère que de 1-2 % de l'énergie incidente totale brute.

Dans le même ordre d'idée, un renard qui mange 16 campagnols par jour, a gagné, aussitôt après son repas, un poids égal à celui des 16 rongeurs. Mais à la fin de la journée, il a reperdu, par métabolisme (respiration, excrétats), l'équivalent de 15 rongeurs.

La productivité d'un niveau trophique est l'accroissement de la biomasse par unité de temps pour le niveau trophique considéré.
Ex. : la productivité primaire est celle des producteurs (végétaux chlorophylliens) .

La notion de chaîne alimentaire, tant utilisée, n'est pas très heureuse. Elle évoque l'image théorique d'une chaîne linéaire où chaque prédateur n’a qu'une proie et chaque "mangé" n'a qu'un seul "mangeur".
En fait, il est extrêmement rare qu'un consommateur de premier ordre se nourrisse exclusivement d'une espèce végétale et soit à son tour la seille proie d'un carnivore. D'autre part, une espèce se cantonne rarement dans un seul niveau de la pyramide trophique.
Ex. : Le renard en tant que carnivore est habituellement considéré comme consommateur de deuxième ordre mais durant l'été, lorsqu'il se nourrit de myrtilles ou de merises, il devient consommateur de premier ordre ... Les relations alimentaires entre les êtres étant d'ordinaire hautement complexes, une expression comme RESEAU ALIMENTAIRE rend mieux compte des interactions réelles qui existent entre les organismes vivants.

Cette classification écologique qui divise les composants biotiques en trois catégories : Producteurs - Consommateurs - Décomposeurs se fonde sur les modes de nutrition, c'est-à-dire sur la nature de la principale source d'énergie utilisée.
Dans une filière trophique, des producteurs vers les consommateurs, si on superpose des "rectangles" horizontaux de même hauteur et dont la largeur est proportionnelle au nombre d'individus présents dans chaque niveau trophique, on obtient une figure appelée pyramide des nombres d'autant plus haute que la "chaîne" a un plus grand nombre de niveaux trophiques. Comme la nombre d'individus décroît généralement du premier au dernier niveau trophique, cette pyramide a la forme d'un triangle placé la pointe en haut.

Dans un écosystème, les animaux de petite taille sont plus nombreux que les animaux de grande taille et ils se reproduisent plus vite. De plus, les phytophages sont les plus nombreux et présentent une biomasse plus importante que celle de leurs prédateurs (leur potentiel biotique est plus grand, le taux de reproduction plus élevé).
Pour tout animal carnivore, il y a une limite inférieure et une limite supérieure à la taille des proies qu'il peut manger. La limite supérieure est imposée car un prédateur ne peut attraper, tuer et dévorer une proie beaucoup plus grosse que lui. La limite inférieure existe pour des raisons de rendement : des proies trop petites devraient être capturées en trop grand nombre, ce qui serait à peu près impossible, soit par le manque de proies, soit par manque de temps. Il existe donc en général, une taille optimale des proies de chaque espèce.

3.6. Les grands cycles bio géochimiques.

Contrairement à l'énergie solaire qui est sans cesse renouvelée - et dégradée d'un niveau trophique à l'autre - la matière qui sert à la construction et au fonctionnement de la biosphère est toute entière contenue dans celle-ci. Cette matière circule de façon ininterrompue du milieu abiotique vers les êtres vivants et inversement, en suivant des cheminements bien définis qui n'excluent pas d'ailleurs, dans certains cas, des points d'immobilisation, au moins temporaires.

Des cycles particuliers se déroulent au sein de chaque écosystème, mais des rapports latéraux plus ou moins importants (suivant que l'écosystème est plus ou moins "ouvert") existent entre eux. Au niveau de la biosphère, ces cycles dits bio géochimiques, qui assurent donc le recyclage permanent des principaux éléments indispensables à la vie, expliquent le pouvoir d'autorégulation des écosystèmes, c'est-à-dire la grande constance des éléments présents dans chacun d'eux.
Ces cycles intéressent des éléments à phase gazeuse prédominante (carbone, oxygène, azote), à phase liquide prédominante,(eau) ou à phase sédimentaire prédominante (soufre, phosphore, etc.).
Etudions le cycle de l'élément biogène primordial: le carbone.


La photosynthèse et le cycle du carbone

Dans le monde minéral, le carbone (C) n'existe pratiquement pas à l'état pur, mais seulement en combinaison avec d'autres éléments. L'océan est le réservoir principal où il existe sous la forme de dioxyde de carbone ou gaz carbonique (CO2) dissous. La masse de ce Co2 dissous est cinquante fois supérieure à la masse totale du CO2 de l'air où il est présent seulement dans une faible proportion (0,03%)

Pendant la journée, le CO2 est assimilé par les végétaux qui possèdent de la chlorophylle. Ce pigment vert des cellules des feuilles et parfois des tiges capte l'énergie lumineuse (le plus souvent celle du soleil) et la transforme en énergie chimique. Ensuite, grâce à cette énergie, en présence d'eau et dans des conditions favorables de température, les végétaux chlorophylliens réalisent la synthèse de glucides par assimilation du CO L'oxygène libéré est restitué à l'atmosphère. Rappelons que cet oxygène provient de la photolyse de l'eau - c'est-à-dire de la décomposition des molécules d'eau (H20) effectuée grâce à l'énergie lumineuse captée par la chlorophylle - et non de la décomposition des molécules de dioxyde de carbone (CO2).

Le carbone du CO2 incorporé à la matière végétale, n'y restera pas fixé indéfiniment. En effet, les végétaux qui ont besoin d'énergie oxydent des substances organiques qu'ils contiennent et rejettent du CO 2 dans l'atmosphère. D'autre part, les végétaux verts peuvent servir d'aliment à des animaux herbivores (consommateurs de premier ordre). Ceux-ci consomment et assimilent les protides, les lipides et les glucides de la plante. Le carbone est ainsi "incorporé" au corps de l'animal. A son tour, l'animal respire et restitue ainsi une partie de ce carbone à l'atmosphère sous forme également de CO2 .
Les déjections (excréta) de l'animal tombant sur le sol sont décomposées par les insectes coprophages, les champignons et les bactéries.
Lorsque l'animal meurt, son cadavre est décomposé de la même manière et la matière organique qui le constituait est minéralisée progressivement par les bioréducteurs.
A ce dernier stade, le carbone est souvent remis en circulation sous la forme de CO2 ("respiration de l'humus").
Si l'animal herbivore est mangé par un consommateur de deuxième ordre, le carbone est incorporé de la même manière que précédemment et suivra une évolution analogue. De toute manière, tôt ou tard, la totalité du carbone qui, au début du cycle avait été incorporé à la plante verte, retournera à l'atmosphère sous forme de CO2 qui sera de nouveau à la disposition des végétaux chlorophylliens ...

Ce cycle peut dans certains cas se ralentir ou même s'interrompre, les bioréducteurs ne pouvant fonctionner par manque d'air ou à cause d'une acidité trop forte.
Les débris organiques s'accumulent alors pour former de la tourbe. Dans le cas du charbon et du pétrole, le cycle s'est interrompu pendant des centaines, voire des millions d'années.
Dans les eaux, le cycle stagne lorsque le CO est fixé sous forme de carbonate de calcium dans les squelettes, les coquilles, les récifs coralliens ou les dépôts sédimentaires calcaires.
Le carbone stocké, notamment dans les combustibles fossiles (tourbe, charbon, pétrole, gaz), peut être libéré sous forme de CO2 par l'homme (chauffage, industries, etc.) ou lors de la fabrication de chaux à partir de roches carbonatées.


Extrait de : Notions d’écologie par R. FABRI*, R.ROSOUX**, Ph. DESTINAY*
* Université de Liège
**Université de Rennes